Bertrand Muller, Architect Designer

Dans l’urgence de répondre aux défis créés par le réchauffement climatique planétaire, la diminution irréversible de nos ressources et les nouveaux risques sanitaires, nous devons adapter notre habitat et nos rituels dans nos espaces à vivre existants.

Concevoir un environnement augmenté, terrain et construction, est parfaitement réalisable à partir de zéro, en intégrant  les solutions nécessaires  pour un habitat responsable et protégé (cf chapitre 2).

Le parc d’habitations existantes représente un véritable combat à l’échelle d’un pays.

Constats:

1. Tous les bâtiments construits sont des passoires énergétiques.
2. Ils utilisent de l’énergie d’origine fossile à outrance.
3. Gaspillent de l’eau potable autant par manque d’information que par l’utilisation d’installations hydrauliques et sanitaires médiocres et obsolètes.
4. Ils rejettent tous types de déchets dans la nature.
5. Et manquent cruellement d’une maintenance efficace.

Résultat: la plupart des immeubles et villas sont agréables « de l’intérieur” mais avec un désintéressement  voire un mépris de l’impact “au dehors”.

Développons autour de l’exemple d’un immeuble typique existant en zone urbaine ou semi urbaine:

La construction même récente ne correspond pas aux standards recommandés et ne répond pas du tout au contexte actuel sans parler de celui du futur.

Les constructions ne disposent d’aucune isolation thermique digne de ce nom. Les ponts thermiques sont légion, les défauts de ventilation, les sous-sols, les toitures sont des gouffres énergétiques…
Sans parler des murs extérieurs qui réagissent comme des radiateurs au premier soleil…Les toitures terrasses réagissent à chaque changement de température et rendent les habitations très inconfortables. Le tout compensé par une exagération soit du chauffage soit de la “climatisation” de l’air. Le manque de gestion des eaux de pluies provoque également des dégâts et des infiltrations. Une mauvaise isolation des éléments soumis aux variations de température augmente énormément la consommation d’énergies toujours fossiles (mazout, gaz,…) et extrêmement polluantes.

Quelques tentatives de solutions sont utilisées: le principe du double-mur (…), des chauffe-eaux solaires, (plutôt sélectionnés pour une économie financière), ou encore les double vitrages installés sur des profils dépassés.

Effectivement la conception de l’immeuble est responsable du gaspillage par la réduction de l’investissement en équipements essentiels, afin de privilégier le visuel, le “show off” avec des matériaux clinquants, le “super de  luxe”, des grandes baies vitrées mal étudiées afin de privilégier une “vue” qui n’est même pas forcément très agréable..

Propositions pour une mise en conformité avec les enjeux actuels :
Conditions sanitaires: pour les zones communes, concevoir dans l’entrée principale et au sous-soldes d’un sas de décontamination si possible en pression négative.

• La cage d’escalier doit être cloisonnée pour éviter la propagation d’éléments insalubres et pour sécuriser. L’ascenseur doit être réservé au transport de deux personnes à la fois, les zones communes et les sous-sols équipés d’une ventilation indépendante avec filtration.

• En terme de volume, le gros du chantier concerne le traitement des façades, des dalles, de la toiture et des ouvertures.

Facades: pose d’une isolation thermique par l’extérieur. Plusieurs solutions existent qui ont fait leurs preuves. Grâce à ces possibilités, tous les ponts thermiques sont réduits,avec un coefficient R8/R5 et traités avec des tons clairs afin d’utiliser le phénomène de réflexion.

Le traitement des dalles doit se faire par une isolation thermo-acoustique, par le dessous, sous un faux plafond. Ceci pour éviter des travaux plus coûteux par le traitement de la surface supérieure. Il est important de dissocier la toiture du reste de la construction par une isolation thermique indépendante, les rampants, la terrasse exposée, avec une isolation hydraulique et une récupération des eaux de pluies.

Ouvertures: remplacement des fenêtres et des portes par des éléments de profils isolés,de triple vitrage réflectif (à étudier selon l’ensoleillement et l’altitude et la technique de pose est à normaliser selon les standards actuels).

Les murs verts sont un excellent apport en termes d’isolation naturelle et régulateurs de l’air à proximité.
Les principes d’éléments en “double peau” sont tout autant efficaces, l’effet barrière et de ventilation forcée, renforcent la résistance énergétique des murs couverts.
Ceci n’empêche pas de dégager la vision vers l’extérieur, tout en gérant ce besoin.

Les appartements sont équipés individuellement d’une ventilation mécanique contrôlée à double flux pour la gestion de l’air ainsi que de la température. Les installations électriques et sanitaires sont normalisées et augmentées pour éviter tout gaspillage. Les eaux usées sont récoltées au sous-sol et traitées pour leur utilisation avec l’éventualité d’un apport extérieur. Une citerne extérieure supplémentaire est nécessaire.La toiture: l’utilisation optimisée est devenue indispensable, non pas uniquement pour le stockage des réservoirs d’eaux,des compresseurs de HVAC devenus obsolètes et de réseaux anarchiques de télécoms, datas, TV,…La restructuration des toitures nécessite un autre effort d’adaptation de coopération, de responsabilité de chacun, qui s’inscrit dans un plan plus vaste d’attitudes à développer. L’installation d’équipements de production à partir du solaire, vient logiquement en premier, avec le but de remplacer toute autre énergie non renouvelable. La production servira à l’ensemble des besoins de l’immeuble. Tous les équipements nécessaires au confort moderne sont installés “intelligemment”.

La toiture terrasse est transformée en jardin urbain avec une production de végétaux frais, pour les habitants, bref une autosuffisance participant à la réduction du CO2 ambiant.Le concept est de rendre l’immeuble “intelligent”, auto suffisant en énergie et en eau.

La réduction de la maintenance par la qualité des matériaux et la responsabilité des propriétaires.

Financement : qui va payer et comment payer ces investissements?.

Comment supporter ces travaux… par l’investissement des propriétaires? Difficile et parfois improbable… Dans de nombreux pays, des outils existent gérés par l’état… sous forme de prêt sans intérêts ou de réduction d’impôts par exemple. Une solution semble simple: celle de réaliser par un cabinet d’experts,une étude afin de démontrer la réduction importante du cout de l’énergie du pays,par l’achat du combustible,en réduisant la consommation des immeubles existants drastiquement. La différence sur quelques années servirait à financer les travaux, il y a évidemment des experts dédiés à ces calculs. Tout cela tient à des décisions d’orientation responsable des politiques… Ceci est un autre sujet.

Ces décisions seront créatrices d’emplois spécialisés, ingénieurs, entrepreneurs, formateurs, gestionnaires…

Le monde a changé, la seule solution est notre capacité d’adaptation, parfois des sacrifices à la facilité, la prise de conscience de la réalité... il n’y a pas de retour en arrière… réfléchissons à l’héritage que nous laisserons.